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Libération
Critique

Ricoeur à vif

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Publication des derniers textes et fragments du philosophe.
publié le 29 mars 2007 à 6h53

On dit que les grands penseurs ne tentent jamais de penser qu’une seule chose ­ bien qu’ils s’y reprennent mille fois et mille fois changent les façons de l’approcher. L’affirmer à propos de Paul Ricoeur, disparu en mai 2005, peut paraître paradoxal. Le projet qu’il avait de «philosopher en commun» l’a conduit en effet à parcourir en tous sens les champs du savoir (1), de l’éthique à la théorie littéraire, de la philosophie analytique à la psychanalyse, l’exégèse biblique, l’épistémologie, les théories de la justice, la politique, la poétique... et donc à faire s’entrecroiser les discours les plus pertinents sur l’homme et sur ses oeuvres, sur le monde dans lequel il doit concrètement vivre ou celui, transcendant, auquel il peut vouloir aspirer. Pourtant, ce que sa «philosophie réflexive» a voulu atteindre se dit d’un mot : la «compréhension de soi», l’acte de retour sur soi grâce auquel on ressaisit le «principe unificateur de ses opérations de connaissance, d’estimation et de volition». Cela a requis évidemment les efforts de toute une vie, car «le sujet ne se connaît pas lui-même directement, mais seulement à travers les signes déposés dans sa mémoire et son imagination par les grandes cultures». Aussi le «retour sur soi» ne peut-il pas se faire sans d’innombrables détours, par les textes, les symboles, les mythes et tous les outils herméneutiques qui servent à les interpréter. L’oeuvre de Paul Ricoeur est la carte de tous ces détours.

Paul R