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Libération
Critique

Le génie du christianisme

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Un coup de maître, selon Paul Veyne : la manière dont Constantin a associé la croix et la bannière, le sabre et le goupillon.
publié le 5 avril 2007 à 7h02

Pouvait-il en être autrement ? Pourrions-nous ne pas nous dire chrétiens sans états d'âmes, pour la simple et bonne raison que le christianisme lui-même aurait fini, à l'instar d'autres cultes et religions, dans les poubelles de l'histoire avant qu'il n'entame l'extraordinaire carrière que l'on sait ? A première vue, la question n'a pas de sens, étant donné le caractère forcément nécessaire du passé (notamment pour les historiens), surtout dans le cas de cette réalité si massive qu'est la religion chrétienne dans le monde, occidental ou non. Et pourtant, Paul Veyne ­ dans son dernier livre, Quand notre monde est devenu chrétien ­ lui apporte une réponse fracassante : oui, le christianisme serait resté la secte qu'il était, si Constantin ne s'y était pas converti en 312, pour en faire la religion du trône impérial et lui ouvrir, en quelques années, un futur exceptionnel. Dans cette histoire, comme en toute chose, le hasard joue un rôle aussi important que la nécessité, selon Veyne, ou, mieux, la force créatrice de certains individus peut se jouer des déterminismes les mieux enracinés, qu'ils soient politiques, économiques, sociologiques. Aussi, pour les besoins de sa démonstration et pour nous ouvrir la tête avec bonheur, Veyne revisite-t-il les concepts clés de l'atelier de l'historien : le rôle de l'individu, le poids de l'idéologie, la nature de la religion et de la croyance dans le devenir des sociétés... Ce faisant, il déploie tous ses talents de mise en intrigue,