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Critique

La fabrique Schiffrin

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Les années d'apprentissage d'André Schiffrin, fils du fondateur de la Pléiade, symbole de la lutte contre les concentrations éditoriales.
publié le 12 avril 2007 à 7h10

Les mémoires d'un éditeur ressemblent aux explications d'un metteur en scène quand, rideau tombé, celui-ci apparaît pour expliquer l'envers du spectacle. C'est passionnant ­ sa vie est une aventure pleine d'action, de rebonds et de discrétion ­ et décevant ­ l'éditeur, si grand soit-il, dépose son originalité dans ses écrivains, si petits soient-ils. Les mémoires du Franco-Américain André Schiffrin, pont éditorial entre l'Europe et les Etats-Unis, sont ainsi : l'énergie et l'originalité sont partout ; l'autosatisfaction les suit. Résultat : un mélange de grandes pages et de petits inventaires, de comparaisons fertiles et de jugements légers, de vues d'exception et de banalités. Ce qu'il apporte efface ce qu'il pouvait oublier.

Deux livres, publiés aux éditions de La Fabrique, ont fait la notoriété de l'auteur Schiffrin : l'Edition sans éditeurs (1999), le Contrôle de la parole (2005). En contant son travail dans la maison américaine Pantheon, rachetée et cassée par un grand groupe, puis la création d'une structure légère et autonome, The New Press, celui qui publia aux Etats-Unis Marguerite Duras, Michel Foucault, Claude Simon, Eric Hobsbawm et tant d'autres, analysait la normalisation et la dessiccation d'un métier sous le citron du capital et de la rentabilité à front bas. Il conclut, dans Allers-Retours, que la liberté ne peut désormais exister qu'à l'écart d'un système qu'il croyait naguère, en bon socialiste humaniste, pouvoir réformer : «Je sais,