Menu
Libération
Critique

Le paradoxe du physicien

Article réservé aux abonnés
De l'influence de la philosophie sur l'effet de serre. «Chimères et paradoxes», de Loup Verlet.
publié le 12 avril 2007 à 7h10

On ne se pose pas la question tous les jours, certes. Mais quand même : que peuvent avoir en commun un billet de 20 dollars, une métaphore, l'«ensemble des pulsions sexuelles qui animent le psychisme», le Christ de la religion chrétienne, la force gravitationnelle et l'objet transitionnel que l'enfant serre contre lui en suçant son pouce ? Eh bien, ce sont tous des «objets-chimères». Les objets-chimères ne sont pas forcément des objets (le mystère de l'Incarnation, par exemple), ni forcément des chimères (le nounours). Ce qui les définit, c'est de réunir «dans une trinité indissociable trois entités hétérogènes situées à des niveaux logiquement distincts», à savoir : «une chose considérée comme réelle, une représentation symbolique globale dans laquelle cette chose est prise, un acte de foi socialisé assurant la jonction de la chose et de sa représentation».

On le voit peut-être avec le «miracle eucharistique». Celui-ci, «contredisant le témoignage des sens», est «suspendu à un acte de foi soutenu par des rites et des emblèmes : la "transsubstantiation" est la transformation supposée d'une réalité visible ­ un morceau de pain ­ et une réalité invisible d'un tout autre ordre ­ le corps du Christ ­ par la vertu des paroles que prononce le prêtre à l'autel». On le voit plus nettement avec le billet de banque, «transsubstantiation du signifiant monétaire», qui fait le support du système marchand : il s'agit bien d'une chose,