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Libération
Critique

Penser agir

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Entre mélancolie et utopie, l'inconfort des intellectuels.
publié le 19 avril 2007 à 7h17

Les Trois cultures, l'essai sur la naissance de la sociologie qui lui a donné une grande notoriété, vient juste de sortir en France, quand, en 1991, Wolf Lepenies entame ses leçons à la chaire européenne du Collège de France, cours aujourd'hui publiés sous le titre de Qu'est-ce qu'un intellectuel européen ? A l'évidence, certains thèmes traversent les deux ouvrages, notamment la fameuse séparation entre l'homme d'action et l'intellectuel, puis entre le scientifique et le littéraire, caractérisant l'avènement de la modernité. Une bipartition qui, au XIXe siècle, débouchera sur une tripartition des cultures : la scientifique, avec sa capacité de transformation de la nature ; la littéraire qui, prenant acte de son impuissance à agir sur le réel, se retranche dans un repli mélancolique dont elle tente de faire oeuvre ; et, enfin, la culture sociologique, en balance entre littérature et science, description et action, n'échappant pas, quelle que soit l'option, à la tentation utopique. Or, selon Lepenies, si l'utopie ne guérit pas de la mélancolie, elle fonctionne comme un dérivatif, qui tient en vie l'intellectuel. D'où une série d'interrogations inquiètes, soutenant tout le cours de 1991 : sevrés d'utopie après l'effondrement du communisme, serions-nous destinés à être précipités dans la mélancolie ? Comment s'opposer au capitalisme libéral, l'autre grande utopie de la modernité, maintenant qu'il est devenu planétaire ? Bref : dans ce cadre historique, peut-on agir