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Libération

Cheever parle du ventre

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publié le 26 avril 2007 à 7h25

Autant John Cheever est brillant, autant les personnages de ses nouvelles ne le sont pas. La médiocrité qui les habite les attaque aussi de tous les côtés, offrant mille prétextes à leur créateur de déployer son ironie. Ça ne les rend pas moins émouvants, bien au contraire, mais les sentiments se déchiffrent peu à peu. L'écrivain américain, né en 1912 et mort en 1982, est surtout célèbre pour ses nouvelles (il en a écrit plus de deux cents) dont Déjeuner de famille est le troisième volume paru en français, après Insomnies et l'Ange sur le pont au Serpent à plumes. Ses héros font partie de la middle class et lorgnent vers le haut tout en tombant parfois plus bas, et un déménagement est souvent d'autant plus regrettable qu'il sanctionne une déchéance sociale, comme cette femme, dans «le Gardien d'immeuble», obligée de quitter non seulement un endroit familier mais «un lieu où son intonation et son allure, son manteau usé et ses bagues en diamant, pouvaient encore imposer une trace de respect». Cheever lui-même connut la faillite de son père avant de réintégrer la bonne bourgeoisie par son mariage, en 1941 (son homosexualité ne sera publique qu'après la publication posthume de son journal).

«De la même époque date le début de sa longue relation avec The New Yorker, pour lequel il a écrit plus qu'aucun autre écrivain américain à l'exception de John O'Hara avant lui et, peut-être, de John Updike après. Il y a un "art du New Yorker"<