Que des armées victorieuses s'arrogent à titre de butin, tableaux, bijoux et autres biens relève d'une évidence que confirme la longue et répétitive histoire des guerres. Qu'elles s'emparent d'archives constitue un phénomène plus rare. Sitôt arrivées en France, les troupes nazies firent main basse sur un nombre impressionnant de cartons. Des services divers se ruèrent dans les principaux dépôts, campant parfois jusqu'en 1944 à l'hôtel de Rohan ou au Quai d'Orsay pour rafler les pièces susceptibles d'intéresser le grand Reich.
Les nazis visaient trois objectifs. Ils entendaient, en s'appuyant sur des documents français (ou en les faisant disparaître...), soumettre l'histoire à leur vision, ce qui les conduisit, par exemple, à confisquer l'original du traité de Versailles (il ne fut jamais retrouvé). Ils souhaitaient, de même, détruire (ou conserver) les pièces concernant leurs ennemis présumés, juifs et francs-maçons notamment. Ils ne s'interdisaient pas d'exploiter à des fins stratégiques leurs trouvailles, espérant repérer les espions travaillant au service de la France, comprendre les défenses de la ligne Maginot ou percer les secrets de fabrication de quelques sous-marins. Ces nobles préoccupations n'excluaient pas la rapine : des dignitaires, grands ou petits, profitèrent de l'aubaine pour enrichir leurs collections d'autographes rares ou de livres précieux, qu'ils fussent conservés dans des institutions d'Etat ou chez des particuliers (les appartements de Léon Blum ou d'