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Critique

Née de la côte de Bloom

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Le critique américain fait de la Bible une oeuvre humaine, écrite par une femme.
publié le 10 mai 2007 à 7h41

«Lire ou mourir» est la divise de Harold Bloom, le grand critique littéraire américain, professeur à Yale, né en 1930. Lire, faute de quoi l'homme est condamné à décroître ; lire, parce qu'autrement les livres eux-mêmes seraient amputés d'une moitié, l'autre moitié, à chaque fois différente, écrite, comme déjà le faisait remarquer Victor Hugo, par le lecteur en personne. Lire est la manière la plus sûre de «ruiner les vérités sacrées» (1), par le fait de restituer à une commune humanité ce qu'il peut y avoir de plus sublime dans les oeuvres de littérature, puisque le lecteur, s'il ne crée pas l'auteur, le tient en vie. Cette pressante injonction vaut pour les oeuvres des plus grands, de Dante à Shakespeare, à Tolstoï, mais elle doit s'appliquer aussi au Livre des Livres, à la Bible elle-même, notamment le Pentateuque, d'où tout le reste découle. Pas de grand livre sans auteur pour Bloom, or, le Pentateuque est un livre magnifique, à la hauteur de Hamlet ou de Guerre et Paix. Qui donc a pu l'écrire ? Dieu pour Bloom est certes un personnage faramineux, pathétique et insupportable, destiné d'ailleurs à faire des émules à l'infini depuis cette apparition tonitruante ­ mais rien de plus. Le Pentateuque n'étant donc pas un récit autobiographique de Dieu, il reste à chercher l'homme ou la femme qui l'a composé, il y a trois mille ans, du côté de Jérusalem. Harold Bloom croit avoir trouvé une réponse fascinante, ironique et quelque peu scandaleuse, et la révèle