Les romanciers fameux sont des élus parallèles. Leurs agendas sont symboliques, lointains et protégés. L'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) avait pris rendez-vous avec Orhan Pamuk voilà un an et demi, alors qu'il n'était pas encore prix Nobel. Ses deux conférences ont eu lieu les 26 et 28 avril. La première a pour thème la fabrique de l'un de ses romans les plus célèbres, Mon nom est rouge ; la seconde, sur les pouvoirs du roman, montre entre autres comment Attaturk a, pour fonder la modernité nationale, utilisé des clichés anti-Turcs déjà employés par André Gide dans son Journal. Les deux ont lieu devant 250 personnes, dans un amphithéâtre bourré. Il n'y a pas eu de grande publicité. Pamuk est menacé. Il fallait être inscrit pour entrer. Il y a queue d'espoirs déçus.
Mon nom est rouge conte, par éclats croisés de monologues, la vie d'un groupe de peintres miniaturistes et de leurs familles, dans Istanbul au XVIe siècle au moment où la naissance de l'humanisme et de sa conséquence esthétique, la perspective, bouleverse un monde où tout n'était vu que par le regard (supposé) de Dieu. «J'ai mis huit ans à créer ce livre», explique d'emblée Pamuk. Il parle si bien du making off de son roman qu'il n'est quasiment plus besoin de le lire. Il a quelques notes devant lui, mais ne lit pas. Son anglais, à la fois bon et haché, est secoué par une respiration burlesque. Il fait sauter les mots d'images en idées, comme un chamois au b