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Critique

Chef de coeur

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Etranges métamorphoses sentimentales d'un homme perdu, par la romancière libanaise Hoda Barakat.
publié le 17 mai 2007 à 7h48

Libanaise de Paris et de l'exil, Hoda Barakat est divisée à plusieurs titres. Journaliste à Radio Orient, elle vit au rythme d'une actualité violente, asphyxiante, tout en écrivant, à intervalle régulier, des livres lents, étranges et courts. «Je ne note rien, j'écris tous les jours dans ma tête, dans le métro, au travail, à la cuisine. Et quand je me sens prête, je couche tout sur le papier en quelques semaines, pendant des vacances.»

Hoda Barakat appartient à cette génération de Libanais dont la vie a été cassée en deux par la guerre civile. Dans ce gouffre qui a englouti leurs plus belles années, ceux qui n'y ont pas laissé leur âme ­ ou leur vie ­ n'ont cessé de puiser leur sève. Hoda Barakat tisse des histoires singulières où l'individu est irrémédiablement seul. Ses héros cahotent comme des cailloux dévalant une pente raide. «Dans l'agitation et le chaos des jours qui se succèdent, dans leur monotonie ou leur désordre, l'homme ne prête pas attention aux changements qui l'affectent. Il est absent, distrait, perdu dans les interstices de la vie ou dans ses détails. Il croit qu'il n'y a pas plus de sens dans le trouble et la confusion que dans l'harmonie, la régularité et la rigueur. [...] Il n'en est pas ainsi. La vie de l'homme se vêt de sens à son insu. Il peut le perdre de vue tout au long de ses jours. Ou y être soudain attentif comme la neige légère et silencieuse qu'on n'a pas vue tomber. Et voici qu'au matin tout est blanc.» A la fin de Mon maître,