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Libération
Critique

L 'autre côté du guichet

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Portrait en miroir d'un passant et d'un SDF.
publié le 7 juin 2007 à 8h09

Franck Magloire a publié en 2003 un récit, Ouvrière. Il se faisait l'écho de la voix de sa mère, trente ans à Moulinex. Il était le fils instituteur, celui qui était passé de l'autre côté du guichet. Dans En contrebas, il accomplit sa destinée, il est décidément devenu écrivain. Ce qu'un livre peut contenir, ce qu'on a dans la tête quand on réfléchit, quand on se souvient, quand on ne pense à rien, les idées qui s'enroulent à partir d'une situation, partent du présent, remontent loin dans le passé, ricochent sur une image: c'est tout cela, En contrebas. Franck Magloire creuse une mise en abyme au milieu de son texte, afin de mettre du jeu entre lui-même et son porte-parole, ce n'était pas peut-être pas indispensable.

Un homme jeune (il est né en 1969), dans une gare où il prend son billet de train, est apostrophé par un clochard, un SDF, «un type». Entre «l'autre» et «lui», lui qui perçoit la scène et la relate, entre l'homme par terre et le passant debout, l'homme échoué et le voyageur pressé, quel genre de rencontre peut-il se jouer ? L'échange est simple, un récit de vie contre un autre, la photo d'une petite fille contre des cartes postales, une pincée d'argent contre une gorgée de picrate. Et puis du temps est offert : l'homme debout se met à la hauteur de «l'autre», au ras du sol. Il se laisse absorber par le changement de perspective, il vient de se soustraire à la foule. Mais sans se départir de son regard mélancolique