[Nous republions ce portrait, paru en 2008, alors que nous apprenons ce mardi 10 novembre la mort du philosophe]
Chercher la vie sous l'imprécation : noble dessein. Son entourage jurant qu'il est généreux, drôle, timide, disponible, le parti pris était que, derrière l'être-de-télé, André Glucksmann est un homme comme les autres. Pendant trois heures, on a guetté le moment où la tension se relâcherait, où le combattant baisserait la garde, où le destin de l'humanité ne serait plus en jeu. Raté. Une fois, il a employé un mot normal, «baiser», pour déplorer les philosophies de quatre sous qui expliquent «comment vivre heureux, comment baiser tranquille». Pour le reste, même dans son appartement aux fenêtres couvertes de tentures, il ne se départit jamais d'une immense méfiance. «C'est parce que je prends toujours en compte ce que l'auditeur peut comprendre de travers.»
André Glucksmann est sarkozyste, seuls les mal-comprenants de retour de la planète Mars l'ignorent encore. Il a été vu au meeting de Bercy, impassible lorsqu'il fut question de «liquider» mai 1968 («Ça m'a fait rire»), puis dans les salons de l'à l'Elysée pour la cérémonie d'investiture. Entre l'essayiste et le Président, le rapprochement fut progressif, calculé, partie d'échecs entre deux joueurs. Ils se sont parlé au ministère de l'Intérieur à propos d'étu