Revoici l'OEil du photographe, paru aux Etats-Unis en 1966, et épuisé depuis belle lurette. Son auteur, John Szarkowski, fut longtemps le directeur du département de la Photographie au Museum of Modern Art (MoMA), de 1962 à 1991, juste avant le francophile Peter Galassi. Présenté comme «une excellente introduction à l'art de la photographie», cet ouvrage sans vanité a un charme fou. La plupart des participants sont devenus des stars, les Français sont en nombre (Charles Nègre, Atget, Cartier-Bresson, Doisneau, Lartigue), et les femmes, comme on l'imagine, en petite tenue. Bien sûr, les Américains occupent le haut du pavé, en compagnie de quelques Européens triés sur le volet, dont un Hongrois (László Moholy-Nagy), un Italien (Mario Giacomelli) et une vague d'anonymes. Il y a aussi un Japonais (Hiroshi Hamaya) et c'est presque tout. Pas d'Africain, aucun Russe, même pas Rodtchenko, et le Mexicain Manuel Alvarez Bravo pour toute l'Amérique latine. Pour enfoncer le clou, l'OEil du photographe se clôt avec le président Kennedy embrassant son gosse (Robert H. Schutz, 1963), et l'une des icônes de Robert Frank, Parade (1955), extraite de The Americans.
Dans sa préface, John Szarkowski s'attarde sur la popularité du nouveau médium à la fin du XIXe siècle en citant un auteur anglais qui se plaint, en 1893, d'«une armée de photographes grouillant à la surface du globe, photographiant des sujets de toutes sortes, de toutes formes et de toutes dimen