Apelle est le peintre qui en faisant son portrait, tomba amoureux de Campaspe, la maîtresse d'Alexandre le Grand. Le roi de Macédoine garda le tableau et lui offrit sa concubine. Le personnage homonyme du dernier roman de David Treuer n'est pas peintre mais traducteur. C'est un vieux célibataire d'origine amérindienne, docteur en linguistique et philologie, versé dans les langues autochtones. Il travaille à la bibliothèque (un emploi de trieur stupide qui convient à son asociabilité). Tous les deuxièmes vendredis du mois, il poursuit ses recherches aux archives, les autres vendredis il se rend au salon de massage de Maï (toutes les masseuses thaïlandaises qui y officient portent le même nom). La vie du docteur Apelle est réglée comme du papier à musique. Rengaine tristounette qui constitue une existence dont au fond, il se satisfait. Jusqu'au jour où il découvre un manuscrit que lui seul est capable de déchiffrer.
Avec la violence de l'éblouissement lui apparaît le lien entre la langue et l'amour, l'effort de traduction de l'indicible que requiert tout sentiment amoureux. Le mouvement de soi à l'autre. L'épiphanie est douloureuse: «Traduire est une chose, être lu en est une autre. Aimer est une chose, être aimé en retour en est une autre. Alors qu'il envisage de le traduire, il jette un regard affolé sur les chercheurs installés aux archives, et il est souvent tenté d'essayer s'ancrer à eux. Il a envie de se lever, de se diriger vers la table voisine et de serrer dans ses