La compagne d'Alain Joubert, Nicole Espagnol, est morte d'un cancer, en deux mois, le 9 juin 2006. C'est donc une disparition très proche du récit qui en est fait, mais la distance est si bien trouvée par l'auteur que sa tristesse n'est jamais gênante pour le lecteur. Elle ne lui est pas un chantage. Il faut des précisions telles que les textes aimés par la disparue (récents, puisque signés Eric Chevillard, Dominique Mainard, ou Stéphane Audeguy) pour que nous prenions soudain conscience que cette femme vient juste de mourir, qu'elle était notre contemporaine. La douleur du survivant nous rattrape à la fin du livre. A ce moment-là, nous connaissons mieux les protagonistes, deux aimables poètes rebelles réunis par le surréalisme.
«N'oubliez pas que notre rencontre fut le résultat d'un Grand Concours de Circonstances que nous remportâmes haut la main !», écrit Joubert. L'été 1952, une jeune fille, Nicole, se promène dans des petits chemins d'Auvergne, avec, entre les mains, Alfred Jarry dans la collection «Poètes d'aujourd'hui». Elle croise un jeune homme, Arsène, qui lit, dans ces mêmes chemins montagneux, le même ouvrage (numéro 24 de la collection de Seghers). Ils deviennent amis. Quelques années plus tard, en Algérie, Arsène, qui travaille à la Poste des Armées, intercepte une lettre adressée par un soldat à André Breton. La lettre étant destinée à la censure, Arsène s'empresse de la remettre en circulation. Non sans relever le nom de l'expéditeur, avec qui il