Le goût de certains peintres ou poètes pour la corrida et l'estime qu'ils portent à ceux qui la pratiquent sont notoires. En revanche, les philosophes, du moins dans leurs écrits, semblent étrangers à ce monde. L'un d'eux pourtant vient de se jeter dans l'arène pour prendre le taureau par les cornes du concept. Francis Wolff possède toutes les garanties d'honorabilité professionnelle qu'on peut souhaiter. Spécialiste de philosophie antique, il dirige le département de philosophie de l'Ecole normale. Il est aussi aficionado a los toros, assidu sur les gradins et très savant en choses taurines. Sa Philosophie de la corrida est une tentative pour formuler avec les moyens du technicien de la réflexion les intuitions du spectateur une façon non pas de concilier deux tendances opposées mais au contraire de les aiguiser l'une contre l'autre.
L'auteur commence par lever l'opprobre lancé par certains contre la corrida. Il examine la notion d'«animal» sur laquelle est fondée leur empathie et critique ses fausses évidences. Il en conclut que «seule est absolue la morale qui nous lie à l'humanité : à l'espèce humaine considérée collectivement et surtout, distributivement, à tous les individus qui en font partie». Cela ne signifie pas que la corrida se place en dehors de toute morale mais que l'éthique à l'égard du taureau dont elle peut se revendiquer consiste à le considérer comme l'animal spécifique qu'il est (différemment donc d'un moustique ou d'un caniche), c'