L e premier roman d'un certain Gustave Flaubert se vend «comme des p'tits pains», nous assure l'un de ses éditeurs, Elisabeth Brunet. Dès réception, la librairie rouennaise L'Armitière en a écoulé soixante-quinze en trois semaines. Certes, les ventes restent modestes face à celles du dernier Beigbeder, mais ce n'est jamais que du Flaubert après tout... Il faut dire aussi que Madame Bovary (le livre en question) est disponible depuis cent cinquante ans : son premier éditeur, Michel Lévy, l'a publié le 16 avril 1857. Ajoutons enfin que cette nouvelle édition n'est pas donnée Ñ pas loin de 30 euros : un défi pour un texte tombé dans le domaine public depuis bien longtemps.
Seulement voilà, c'est une Madame Bovary vraiment singulière qui nous revient d'outre arsenic : cet ouvrage est le fac-similé d'un exemplaire dans lequel Flaubert a reporté toutes les coupes que la censure voulait lui imposer. A l'époque, un livre de Catherine Millet ou Michel Houellebecq serait sorti des mains d'Anastasie aux dimensions d'un confetti carré. Pour la publication en feuilleton de Madame Bovary, qu'au Figaro on n'estima pas loin de «glisser dans le vulgaire», les dirigeants de la Revue de Paris ont préféré sortir eux-mêmes leurs gros ciseaux plutôt que de subir ceux de la police de Napoléon III.
C'est cette tentative de mutilation qui ne fut finalement que partiellement réalisée car Flaubert a défendu son enfant bec et ongles que raconte cette p