Pierre Péju raconte radicalement bien. Solitude et déréliction, enfer et damnation, accidentés du sentiment entrechoqués comme du silex, c'est éclatant, on se rappelle la Petite Chartreuse (prix du livre Inter en 2003), et le Rire de l'ogre.
Lorsque nous sommes installés dans la voiture du pauvre Schulz, premier personnage de Coeur de pierre, et que celui-ci recueille à son bord la jeune Leïla, fugueuse poursuivie par des voyous, une prière monte de notre coeur sensible : faites que cette improbable rencontre continue de tenir debout. Pas mal de pauvres gens errent dans les livres de la rentrée. On n'y croit pas autant qu'ici.
Péju (coeur de Pierre ?) a d'autres tours dans son sac. Il aime les contes, les jeteurs de sort et la gueule du loup. Avant l'été, il a publié un essai sur le Monstrueux, dans une collection de philosophie pour les enfants («Giboulées», Gallimard, illustrations de Blanquet). Il réserve un truc fâcheux à Schulz. Déjà, en proie à un «désespoir de mauvaise qualité», Schulz a tout perdu, sauf cette voiture, où il vit. Bientôt, il s'avère que Leïla et lui ne vont sans doute pas avoir d'avenir commun, peut-être même pas d'avenir du tout. Et Leïla n'est pas d'accord. Le problème à ses yeux n'est pas tant Schulz que sa trajectoire brisée. Pas d'accord pour être «emportée par une sorte de récit secret et implacable», pas d'accord pour subir, Leïla se débat dans la nasse. Qui en a tricoté les mailles ? Brieffée par une py