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Libération
Critique

L'Histoire dégonflée par les femmes

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Décryptant la conférence de presse de Florence Aubenas, après sa libération en 2005, François Bégaudeau célèbre le récit sans pompe par lequel la journaliste pulvérise sa statue.
publié le 23 août 2007 à 9h18

Le 14 juin 2005, après cinq mois de captivité en Irak, Florence Aubenas, alors journaliste à Libération, donne une conférence de presse. Pendant 45 minutes, elle raconte au parterre ce qu'elle pense pouvoir dire de ce qu'elle a vécu. Beaucoup sont surpris par le ton et les mots : c'est une farce qu'elle raconte, sinistre certes, mais une farce - et racontée comme telle. La vie d'otage en Irak devient une méchante blague, un ballon crevé par une aiguille de mots précis, quotidiens, jamais grands, du bois sec dont on ne fait aucun héros. Une sorte de rire intégré, comme préenregistré, ponctue son récit, comme les trois petits points de Céline. «Equidistante du ciel et du parquet», note François Bégaudeau.

Apparats. Professeur de français, écrivain, Bégaudeau écoute et regarde la conférence. Il est plus que séduit : animé par la manière dont la journaliste fait «sortir» de son langage, comme par la petite porte, l'Histoire à majuscule sanglante avec perruques, apparats et grands mots : cette Histoire-là est «une affaire d'hommes, une poilade mortifère entre mecs, un enterrement de vie de garçon qui ne finit jamais, ses potes ont offert au bientôt marié une pute aveuglée d'un bandeau qu'ils encerclent et à qui le roi de la soirée doit arracher son string avec les dents». Il imagine et pense qu'elle finit là, ce jour, sous nos yeux.

Fin de l'histoire, en minuscule, reprend phrase à phrase, parfois mot à mot, la narration de la journaliste, et affi