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Libération
Critique

Les ailes du désir

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La vie, les villes, les livres : «Cercle», de Yannick Haenel.
publié le 30 août 2007 à 9h24

Il y a six ans, Yannick Haenel faisait paraître son premier roman, Introduction à la mort française. Il y était question de l'influence stérilisante de Blanchot sur la littérature contemporaine, ce qui avait encore assez de sens à cette époque. Il n'est pas tout à fait sûr, sous les coups de balai anticritique de l'idéologie néo-conservatrice, que ce genre de débat fasse encore florès. Aujourd'hui, c'est plutôt : cachez ce signe que je ne saurais voir. Et : circulez, il n'y a rien à interpréter. Tout est là, immédiatement communicable, et le reste est littérature.

Yannick Haenel a donc changé son fusil d'épaule : «Regardez autour de vous, plus personne ne désire, ça n'existe plus, c'est mort. (...) Ceux qui vous diront qu'il n'y a que ça, du désir, et que le désir est partout, le confondent avec leurs besoins, lesquels n'arrêtent pas d'augmenter depuis que le marché les prend en main sous le nom de consommation.» Il trace dans Cercle un portrait du «zombie» moyen, celui qu'est le narrateur au début de l'histoire, et que nous sommes tous, avec «le même physique rentable de mannequin du succès social», confondant être et avoir, comptabilisant amis et idées comme autant de biens jaloux, parce que «le désarroi se rattrape sur la quantité».

Pour échapper à cette mort rampante, omniprésente, Jean Deichel le héros (1) se fait déserteur du réel. Il rencontre Anna-Livia, une danseuse de la troupe de Pina Bausch, fille aérienne qui l'ouvre à la