Pourquoi avoir choisi un tel sujet ? On n'écrit pas Tom est mort pour rien. Les enfants morts hantent tous mes livres depuis le début, depuis Truismes déjà, en passant par Naissance des fantômes ou Bref séjour chez les vivants. J'ai pensé à ma mère, à toutes les mères endeuillées, à leur douleur. J'ai lu l'article que Dolto leur consacre. Et je me disais : «C'est ce qu'a vécu ma mère». Mais mon projet n'était pas de raconter mon histoire familiale. Je souhaitais rendre compte avec le plus de dignité possible, sans pathos ni complaisance, de l'amour parental, amour fait de terreur : tout parent craint et cauchemarde la mort de son enfant.
Quand et comment avez-vous lu «Philippe» ?
J'ai lu Philippe à sa sortie, en 1995. C'est un des livres qui a fait que j'ai choisi POL comme éditeur. J'ai fait lire ce livre à ma mère et il nous a rapprochées. On parlait très peu de mon frère à la maison. J'y ai retrouvé une phrase que ma mère m'avait dite dans ses rares évocations de mon frère : «Je n'en voulais pas un autre, je le voulais lui, le même». Ce cri universel des mères endeuillées, sur l'irremplaçabilité de l'enfant mort, Camille Laurens semble penser qu'il est sa propriété privée. Le propre de la douleur est de se croire unique, alors qu'elle est individuelle, et un roman peut en faire entendre l'universalité.
Que comprenez-vous du texte de Camille Laurens dans «La revue Littéraire», «MD ou le syndrome du coucou»?
Ce que je comprends de son texte ha