Menu
Libération
Critique

Place de la discrimination

Article réservé aux abonnés
Une «politique préférentielle» sans quotas ? Essai d'Alain Renaut.
publié le 30 août 2007 à 9h25

Dans «discrimination», il y a crime, crimen, désignant l'action de distinguer (krinô, cerno), qui, appliquée à la décision judiciaire, sépare ce qui est légal de ce qui ne l'est pas, afin de pouvoir «accuser» (incriminer) avec... discernement. Dis-criminer et dis-cerner n'étaient pas loin d'être synonymes, alors qu'aujourd'hui la discrimination ne se réfère plus qu'à la différenciation injuste entre personnes, auxquelles on attribue une inégale dignité en fonction de préjugés ou de critères ethniques, sexuels, religieux... Longtemps, la discrimination, en ce sens, a paru aller de soi. Les philosophes grecs n'ont rien trouvé à redire au fait que l'étranger, le «barbare», l'esclave ou la femme soient discriminés et occupent naturellement une position d'infériorité.

La «première modernité» a émergé lorsque l'Autre a été perçu comme le Même : un sujet égal à tout autre sujet, assuré de jouir des mêmes droits et tenu de répondre aux mêmes devoirs ­ non pas en vertu de son appartenance à un groupe mais en raison de son individualité même, qui en fait, au même titre que tous les autres, une parcelle d'humanité. L'affirmation de ce principe d'égalité ne devait dès lors laisser subsister que les différences «de vertus et de talents», et ouvrait à une «politique de lutte contre toutes les formes d'exclusion». Même si les discriminations existent toujours dans les faits, l'idée qu'elles soient injustes - et contraires à la loi ­ paraît en effet