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Libération

L'Astrée, la manière

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publié le 13 septembre 2007 à 9h36

Mardi, à Passy, dans la belle maison de briques qu'occupe l'antenne française de la New York University, trois jeunes gens étaient invités : Marc Fumaroli, 75 ans, Eric Rohmer, 87 ans, et Honoré d'Urfé, 439 ans. Messire d'Urfé fut la révélation de la rentrée littéraire 1607. Il y a 400 ans paraissait le premier tome de son roman-fleuve, l'Astrée, qui enflamma toute l'Europe. Aujourd'hui plus personne, hormis quelque thésard livide, ne lit cette somme de 5000 pages. Eric Rohmer avoue lui-même n'en avoir parcouru qu'une partie pour bâtir son film, les Amours d'Astrée et de Céladon (en ce moment sur des écrans exigeants). Supposons que vous vouliez voir Die Hard 4 -Retour en enfer en salle 2 et que, par inadvertance, vous vous êtes retrouvé devant le Rohmer en salle 4. Moment de pure stupéfaction : là où les flingues auraient dû aboyer, a surgi une nuée de nymphes, de bergères et de formes peu usitées de la langue française, comme l'imparfait du subjonctif. Ne fut-ce point là une charmante surprise ? Pas pour tout le monde, certes. Marc Fumaroli, lui, a été emballé : «Il y a dans ce film quelque de chose de lumineux, de simple, de léger. De français». Voilà, c'était dit : de d'Urfé à Rohmer court un fil qu'on pourrait appeler l'identité française, mais qui n'a pas grand-chose à voir avec les affaires que traite le ministère de Brice Hortefeux. L'Astrée a fait entrer dans notre langue, non point un art de la reconduite à la frontière, mais «