Leur histoire a duré environ un an, puis une vie. Sa morale, la voici : l'amour est une vérité impossible, une avant-garde qui vieillit vite en pays ennemi, des phrases qui tombent sur des corps qui meurent. Le sang qui coule après, quand il est bleu, c'est de la tendresse. Celle de Victoria Ocampo pour Pierre Drieu la Rochelle, l'un des hommes qu'elle a le plus aimés, filtre l'agacement qu'il lui a inspiré. Il l'a souvent blessée ; elle a fini par le comprendre et en parle très simplement, comme un souvenir intime, quotidien, qui continue. Où ça ? Sur la page, évidemment : dans son autobiographie, dont les éditions Bartillat tirent ce chapitre, plus quelques lettres de l'un et l'autre, sous le titre : Drieu. La préface et les notes de Julien Hervier justifient l'ouvrage.
Pour s'aimer, le mieux est de commencer dans le salon d'une comtesse. Tout est beau, tout est vain, splendide et léger, tout rappelle ce que tout efface : le début enlumine la fin. Ocampo et Drieu se découvrent en février 1929, chez la comtesse Isabel Dato. Elle vit à Paris, avenue de la Bourdonnais. C'est un déjeuner. Au mur, il y a deux Miro, un Dali. A table, Paul Valéry et le philosophe espagnol José Ortega y Gasset. On cause. Elle : «Le repas n'eut rien d'inoubliable (il ne le devint qu'a posteriori)». Lui : «Lamentable exhibition. Valéry fatigué, sceptique, blagueur, l'espagnol scandalisé.» Tout est déjà là. Elle : générosité ironique, orgueil d'élégance. Lui : amertume préc