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Libération
Critique

L'aphasie de Balthazar

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Un exemple de thérapie littéraire par l'écrivain et dramaturge polonais Slawomir Mrozek. On retrouve dans ces mémoires son regard décalé et sarcastique.
publié le 20 septembre 2007 à 9h43

Slawomir Mrozek jure que ce n'est pas un livre. Juste «un exercice thérapeutique» pour l'aider à dépasser son aphasie. Il cherchait dans ses souvenirs pour réactiver sa mémoire, puis il tentait de trouver les mots, de formuler des phrases, enfin de les écrire. Et c'est ainsi que Balthazar a pris forme, «par hasard», au gré de ses balbutiements et de ses efforts épuisants ­ dont seuls les aphasiques mesurent l'ingratitude ­ pour nommer une chose.

Quoiqu'en dise Slawomir Mrozek, écrivain dramaturge polonais et homme têtu, Balthazar est bien une autobiographie où l'auteur se raconte avec toutefois un trou de trente-trois ans (de 1963 à 1996) Ñ ses années passées à l'étranger, essentiellement en France et au Mexique. «C'est parce qu'il s'agissait d'une thérapie», répond-il, comme si tout était dit. En fait, travaillant avec une orthophoniste polonaise, il lui fallait, pour avancer, évoquer un passé qu'elle aussi connaissait. Victime d'un accident cérébral en 2002, Slawomir Mrozek, qui a aujourd'hui retrouvé l'usage de la parole, dédie d'ailleurs son livre «à tous les aphasiques».

Balthazar, le nom qu'il s'est lui-même attribué lors d'un rêve nocturne, est dans le plus pur style Mrozek : clair, sans périphrases ni manières littéraires, coupant et volontiers sarcastique. Derrière le mur de pudeur que l'auteur a érigé une fois pour toutes entre ses lecteurs et lui, on entrevoit au loin une certaine douceur, un ton moqueur et chaleureux