On peut lire l'Empire du moindre mal de deux façons. Hypothèse a minima : un essai sur le libéralisme économique et politique, remarquable par la liberté de ton, l'érudition sollicitée, la précision du raisonnement. Hypothèse haute : une méditation philosophique qui se demande comment sortir du cadre mental fixé par le libéralisme, où trouver le «dehors» du monde contemporain. La méthode choisie est particulièrement alléchante, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de remonter jusqu'au noyau principiel du libéralisme, sa «logique philosophique».
Penser le libéralisme est une nécessité qui se fait sentir un peu plus chaque jour. Jean-Claude Michéa a engagé sa réflexion en travaillant sur Orwell et Adam Smith. Avec l'Empire du moindre mal, il propose de dépasser ce qu'il estime être le faux clivage entre le libéralisme économique («la droite», qui n'est pas sa famille d'origine ni d'adoption) et le libéralisme politique («la Gauche», à laquelle, comme tant d'autres, il réserve ses coups les plus durs). Pour Michéa, ce ne sont là que deux développements de la même pensée moderne qui, en renonçant aux vérités transcendantes, s'est de facto limitée à la seule question des moyens d'assurer la cohabitation pacifique des individus «sans qu'il n'y ait plus jamais lieu de faire appel à (leur) vertu».
Retraçant la généalogie de la pensée libérale, Michéa souligne le rôle de la science expérimentale dans l'apparition de la politique comme u