Du Balzac d'Illusions perdues (1837) au Maupassant de Bel Ami (1885), tous les romanciers du XIXe siècle ont tenu sur le journal et sur le journalisme de terribles propos : une activité indigne, un lieu de corruption, de perdition, de prostitution. C'est «le vampire de la littérature», avait prédit Stendhal. Evidemment, un tel jugement ne s'explique que parce que ces mêmes auteurs fourguaient de la copie sans relâche auprès des quotidiens. Balzac, Gautier, Sand, Nerval, Baudelaire ou Zola furent ainsi tout autant journalistes que romanciers. D'autres, comme Lamartine, Dumas, Hugo ou Vallès, allèrent jusqu'à fonder des journaux. On connaissait bien sûr cette relation intime, et le ressentiment qu'elle nourrit. Le grand mérite du livre que publie aujourd'hui Marie-Eve Thérenty est de dépasser ce constat pour nous inviter à comprendre combien le journal, alors essentiellement composé de littérature, fut ce formidable laboratoire où s'opérèrent les principales «mutations poétiques de la littérature du XIXe siècle».
Forte d'une solide connaissance de la prose journalistique des années 1836 à 1914, l'auteur commence par mettre au jour ce qui constitue selon elle la «matrice médiatique» du XIXe siècle, tout le système de contraintes que «l'atelier du journal» imposa aux écrivains. Quatre au moins sont décisives. L'impératif de périodicité d'abord, qui exigeait d'écrire au jour le jour, d'obéir à d'autres rythmes de production. On sait que le