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Libération
Critique

Détruire, dit-il

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Christopher R. Browning retrace la genèse de la solution finale.
publié le 11 octobre 2007 à 0h40

Comment la destruction des Juifs d'Europe a-t-elle été possible ? Cette question, durant les années quatre-vingts, ouvrit un débat qui opposa intentionnalistes (persuadés que le crime avait été prémédité par Hitler) et fonctionnalistes (affirmant que ce meurtre sans précédent résultait des initiatives menées, sur le terrain, par des exécuteurs zélés). La recherche a depuis progressé et l'ouvrage que Christopher Browning consacre à la genèse de la solution finale permet de mesurer le chemin parcouru.

La mise à mort de millions d'individus butait sur de sérieux obstacles. Partageant bien des préjugés antisémites, la population allemande avait néanmoins sévèrement jugé les pogromes de la Nuit de Cristal, générateurs de désordres et de violences. Aux premiers temps de l'occupation de la Pologne, certains chefs militaires s'offusquèrent des mas sacres commis, au point de protester auprès de leur hiérarchie devant des crimes qui entachaient, estimaient-ils, l'honneur de l'armée. Rien ne disait, enfin, qu'une administration communiant dans la nostalgie de l'Empire adhérerait aux folies meurtrières de l'ordre nouveau.

Au fil du temps, ces freins cédèrent. Les hiérarques nazis accordaient à la «question juive» une priorité absolue qui répondait tant à leur obsession raciale qu'à des intérêts matériels bien compris : éradiquer ces communautés libérerait des logements dans lesquels les Allemands de souche, récemment incorporés au Reich par le dépeçage de la Pologne, pourraient s'install