«Vous pensez au prix Nobel ?» Doris Lessing, de passage à Paris pour quelques jours au mois de septembre, hausse les épaules, et lâche sèchement, très British : « Aucune importance ! Parlons d'autre chose.» Comme elle ajoute sur le même ton excédé qu'elle a aussi refusé d'être anoblie par la reine d'Angleterre, on sait qu'elle est sincère. « Sans importance…»
Son nom figure depuis longtemps, chaque année, sur la liste des finalistes du prix Nobel de littérature, mais les jurés auront attendu qu’elle ait 88 ans (le 22 octobre) pour lui accorder la consécration mondiale. Doublant l’autre favori permanent, l’Américain Philip Roth, peut-être encore trop jeune, lui.
Une nouvelle vie commence-t-elle pour Doris Lessing qui adore jouer les vieilles dames indignes et ne semble pas fatiguée de dire et d’écrire ce qu’elle pense ? On attend avec impatience son discours à la réception du prix à Stockholm, le 10 décembre, en espérant qu’elle n’hésitera pas à s’attaquer, comme c’est son habitude, au politiquement correct.
L'Académie suédoise qui vient de lui donner le Nobel a d'ailleurs bien résumé le personnage, expliquant d'abord qu'elle veut récompenser «la conteuse épique de l'expérience féminine» – pour avoir écrit le livre-culte des femmes révoltées de l'après-guerre, The Golden Notebook. Paru en 1962 (en français Le Carnet d'or, Albin Michel, 1976, prix Médicis) ce faux journal intime dresse les portraits croisés de femmes engagées