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Libération
Interview

Le film du souvenir se déchire

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Un historien resitue pour «Libération» le contexte de «Pelures d'oignon».
publié le 11 octobre 2007 à 0h40

Thomas Serrier, 35 ans, historien, est chercheur à l'université Paris-8 et à Francfort-sur-Oder, en Allemagne. Il est spécialiste des contacts culturels en Europe centrale et auteur d'une biographie de Günter Grass (1).

Avant ce livre, qu'est-ce que Günter Grass avait dit de son rôle pendant la guerre ?

D'abord, il est important de remarquer que c'est la première fois que, dans un livre, Grass passe du «il» de la fiction au «je» de l'autobiographie, même si, là aussi, il peut se mettre en scène. Quand on relit son oeuvre littéraire à la lumière de cette autobiographie, on voit que, très tôt, de manière cryptée, il avait évoqué sa jeunesse à Dantzig et son expérience de la guerre. En fait, depuis le Tambour (1958), il y a dans ses romans un mélange : il dévoile en même temps qu'il masque. Ces romans, en particulier le Tambour et les Années de chien, sont un paquet de violence brute (Oskar Matzerath, le gnome qui est le principal personnage de son oeuvre, est à la fois victime ­ il est persécuté à cause de son anomalie ­ et bourreau), même si l'expérience de guerre est à la fois réduite et mise à distance : Oskar fait du théâtre pour la Wehrmacht en Normandie.

Si on regarde la carrière de Grass, il y a donc d'un côté ce qu'on peut voir comme un processus d'exorcisation et de mise à distance littéraire de son expérience. Et de l'autre, son action politique. A partir de 1961, il s'engage dans les rangs du SPD (parti social-démocrate) et travaille à la lib