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Libération
Critique

L'ire se fait rare

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publié le 18 octobre 2007 à 0h51

Au début, donc, n'était pas le Verbe - mais le cri, la vocifération, le hurlement, l'imprécation, la furie, la gesticulation d'un corps déchaîné, l'expression d'un visage hâve, noir ou rubicond, qui, bouche écumante, yeux révulsés ou fulminants, jette à l'entour feu et flammes. Au début était la Colère. Elle est au premier vers du premier chant de l'Iliade - soit à «la première phrase de la tradition européenne» : «Chante-nous, déesse, la colère d'Achille». L'univers de l'Iliade est «entièrement tissé des faits et des souffrances de la colère (menis) - tout comme l'Odyssée, un peu plus récente, décline les faits et les souffrances de la ruse (metis)». Pourquoi Homère veut-il que l'on chante la colère, qui «jeta dans l'Hadès tant d'âmes de héros» et que sophistes, stoïciens ou «professeurs de morale politique» vont déclarer quelques siècles plus tard «contre nature», antagonique au «caractère rationnel de l'être humain» ?

«Mémorable». La colère héroïque n'est pas «la sainte colère dont parlent les sources bibliques» : elle n'est ni «l'indignation du prophète face à l'abomination antidivinité» ni la «colère de Moïse qui brise les tables de la loi pendant que le peuple s'amuse avec le veau», et «a peu de points communs avec celle de Yahvé, du dieu précoce, encore relativement peu sublime, celui des orages et du désert, qui avance comme un Dieu haletant devant le peuple de l'exode et d