En septembre 1976, il écrivait à Louis Althusser, alors maître à penser de toute une génération : «Dans notre pratique, quel est l'objet ? Tel ou tel enfant, sujet psychotique ? Certes pas. L'objet réel qu'il s'agit de transformer, c'est nous, nous là, nous proches de ces sujets qui, à proprement parler, ne le sont guère, et c'est pourquoi ILS y sont, là.» Comment en effet considérer que d'un côté il y a le «malaise» - notion banalisée, que la psychiatrie des années 60 avait élaborée dans l'intention, généreuse, d'éviter des étiquettes plus stigmatisantes -, le mal-être, le silence, l'inadaptation, le manque, le handicap, l'autisme, et, de l'autre, le savoir, l'écoute, le langage, la bonne volonté du «thérapeute» ?
Si aux enfants psychotiques manque un Moi constitué, on ne saurait identifier les causes de leur souffrance muette sans chercher d'abord à savoir ce qui manque à celui qui veut «soigner leur blessure» pour être à ce point inexistant à leurs yeux. Avant de vouloir «entendre» quoi que soit, y compris une langue sans sujet, une langue désordonnée du corps et de l'agir, avant de chercher à savoir ce que le mutique livre en chaos ou blocs d'«insu», il faut d'abord se déprendre de soi - transformer une bonne part de soi-même en quelque chose d'«informe, de plastique», capable de «prendre les empreintes comme le mastic du serrurier».
Dès lors, il est presque impossible de dire «qui» était Fernand Deligny, éducateur, travailleur social, pédagogue, a