Un poème est une femme morte. Mais qui l'a tuée ? Mystère : un poème est un crime parfait. Dans les meilleurs vers d'Edgar Poe, il y a toujours une dame du lac : «La mort d'une belle femme, écrit-il, est incontestablement le plus poétique sujet du monde.» C'est aussi le plus juste. Sa mère, Elizabeth, disparaît deux ans après sa naissance ; sa femme, Virginia, deux ans avant son décès.
De belles femmes meurent dans les deux romans historiques et policiers américains qui, à des époques différentes de sa courte vie (quarante ans), relancent aujourd'hui le personnage de Poe : Un oeil bleu pâle,Noir Corbeau. Dans les deux livres, il est à un moment suspecté d'être meurtrier. Un écrivain n'est jamais innocent des rêves et des craintes qu'il inspire.
«Dépressive». Un oeil bleu pâle se déroule à l'académie militaire de West Point en 1830. Poe y fut élève six mois avant de tout faire (avec succès) pour en être viré. Il ne supportait pas la discipline et pensait obtenir plus vite son diplôme. Comme dans le livre, il faisait le mur pour aller boire à l'auberge du coin. Après son passage en cour martiale, son beau-père lui coupe les vivres et refuse de le revoir : ici commence la vie difficile de l'écrivain, sans argent ni bonne société. Il a 22 ans. La suite sera austère, laborieuse, alcoolisée, dépressive. Si Poe était devenu officier, peut-être aurait-il fini dans l'Ouest, entouré d'Indiens, dans un film de John Ford. Il aurait lu la Bible et bu tout autant