Journal Mihail Sebastian Journal (1935-1944) Traduit du roumain par Alain Paruit, Stock, 575 pp., 24 euros. Il est peu de témoignages de ce que fut la vie artistique, intellectuelle et politique de la Roumanie prise dans la montée des fascismes en Europe dans les années 30 ; peu de documents aussi dramatiques et déchirés que le Journal de Mihail Sebastian (de son vrai nom Josif Hechter), publié pour la première fois en Roumanie en 1996, traduit deux ans plus tard en français et réédité aujourd'hui avec une préface éclairante d'Edgar Reichmann. Si, comme tout journal d'écrivain, il suit, au fil des jours, les détours de la création, des rencontres, des partages et des discussions entre amis, c'est très vite un autre bruit qui se fait entendre et qui vient parasiter et compromettre chacun de ces échanges : les vociférations, les insultes, les appels au meurtre qui jalonnent la montée de l'antisémitisme. A partir de 1938, sous le régime du général Antonescu, les premières lois antisémites entrent en vigueur. Ce que raconte alors Mihail Sebastian, c'est à la fois l'aggravation considérable de ses conditions d'existence comme de celles de tous les juifs de Roumanie (les humiliations, les extorsions, les privations) et la compromission de ses amis (Eliade, Cioran) et de son maître Nae Ionescu avec l'idéologie des «gardes de fer» qu'ils soutiennent et inspirent activement. C'est ainsi que le journal devient, avec une intensité croissante, le récit d'une contagion, d'une tra
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