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Libération
Critique

Dos Passos plein soleil

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publié le 15 novembre 2007 à 1h29

«La chose la plus bête au monde, dit-il dans ces lettres de jeunesse inédites et écrites en français, c'est s'ennuyer.» Mais la vie est souvent la chose la plus bête au monde : poses, habitudes, cérémonies sur canapé, tout ce qu'il nomme la «cage d'écureuil des convenances». Comment échapper à ça ? En partant. John Dos Passos, futur auteur de la trilogie USA, a 19 ans quand il s'en va. «L'illusion de géographie» le prend. Il en rit, mais il en vit. Ses reportages nourrissent ses romans. Tout l'enthousiasme, l'aiguise, l'informe, le nettoie. Plus tard, en fin de vie, Hemingway vengeur l'appellera «le poisson pilote». C'est injuste, ce n'est pas faux : «Dos» vit sous le ventre des hommes et de l'événement.

Adressées pendant dix ans à Germaine Lucas-Championnière, une jeune Française rencontrée en 1919 dans un concert de la salle Gaveau, ces lettres (1) sont écrites sur des coins de table, face à la mer, dans un train, à New York ou à Téhéran, dans le désert ou sur un paquebot, du monde entier au coeur du monde. L'éditeur a conservé les fautes de français : elles ajoutent un charme au naturel et à la justesse du regard que l'écrivain porte sur une planète encore ouverte aux voyageurs lents, solitaires et fauchés. Envers joyeux et immédiat de son autobiographie tardive et laconique, la Belle Vie (1966), elles révèlent une personnalité qui cherche à se simplifier. Sa culture sert son oeil, toujours en place : «Dos» est myope, mais il voit