Caravansérail est une épopée dont le narrateur est le petit-fils du héros, et dont le héros est un Ulysse qui affronte périls et tempêtes à bord du judicieusement nommé vaisseau du désert. Comme dans Histoire de la grande maison, le précédent roman de Charif Majdalani, on retrouve un narrateur omniscient, ou plutôt prescient («Plus tard, il comprendra que.»), qui cette fois nous raconte l'odyssée d'un jeune bourgeois chrétien, Samuel Ayyad, à travers l'âpreté, l'infini, du désert. Avec, en ligne d'horizon, les abricotiers et les chênes verts, le jardin d'Eden qu'était le Liban devenu mythique d'avant les guerres. Comme l'Ulysse de Du Bellay, qui retourne plein d'usage et de raison vivre chez lui le reste de son âge, le jeune garçon surtout préoccupé de lui-même deviendra, à la fin d'un long voyage fait de rencontres et d'épreuves, un homme qui a appris le monde. Caravansérail est un livre d'apprentissage en même temps qu'une épopée glorieuse et grand-guignolesque, onirique et absurde qui fait parfois penser à Alexandre le Grand et parfois à Don Quichotte.
«Tribus fatiguées». Samuel Ayyad arrive au Soudan, qui offrait alors - on est à la veille de la Première Guerre mondiale - «des possibilités immenses pour les jeunes Libanais, s'ils étaient occidentalisés, anglophones et protestants de surcroît». Après Khartoum, où il sent «autour de lui la puissante présence d'un gigantesque pays à moitié désert où errent des tribus fatiguées par des dé