Mai 68 est généralement présenté comme un mouvement étudiant ayant légué à la postérité la contestation de l'autorité, la libération des moeurs et une rénovation culturelle. Il ne s'agit que de la face émergée de l'iceberg. Les événements de mai déclenchèrent aussi, peut-être surtout, une gigantesque mobilisation ouvrière, jetant des millions de salariés dans la bataille. Cette évidence, souvent occultée, est rappelée avec force dans le livre passionnant que Xavier Vigna consacre à l'insubordination ouvrière, une réalité qui court de 1968 à la fin des années 70.
Spontanée. Cette contestation suivit son rythme propre. Démarrant le 13 mai, plus tardivement que les luttes étudiantes, elle dura plus longtemps, la reprise s'effectuant laborieusement en juin, des grèves, parfois dures, perdurant dans les années qui suivirent. De nouvelles formes d'action, surtout, s'imposèrent. A l'occupation des usines inventée au temps du Front populaire s'ajoutèrent le sabotage de la production, la séquestration des cadres dirigeants, la dévastation des bureaux. Des catégories jusqu'alors silencieuses entrèrent dans la danse, qu'il s'agisse des femmes, des immigrés ou des OS, catégories auxquelles la CGT, arc-boutée sur la défense des ouvriers professionnels de sexe masculin, ne portait qu'une attention distante. Cette révolte, largement spontanée, peut surprendre. Elle s'explique par la rupture du compromis fordiste noué aux lendemains de la guerre.
Usé par le travail à la chaîne, récusant la co