La foule, qui fut l'une des grandes anxiétés de la fin du XIXe siècle, a déjà fait l'objet de très nombreux ouvrages. On a décrit la bestialité fantasmée des grands rassemblements, leur régression intellectuelle, leur construction en motif littéraire et en objet scientifique, le rôle de Taine, de Tarde, de Le Bon et de son programme de subversion de la démocratie par la Psychologie des foules. Le livre d'Olivier Bosc n'offre pas une nouvelle version de cette histoire bien connue.
Attentif à la circulation des idées en France et surtout en Italie au début du XXe siècle, il aborde un aspect jusque-là peu connu : le «processus de renversement de l'image des foules». Un mouvement double et a priori antithétique, puisqu'il fut d'abord porté par un projet très progressiste d'éducation des masses avant d'inspirer des usages plus violents, valorisant les foules pour leur vitalité barbare ou leur énergie créatrice.
Médecine politique. Pour Olivier Bosc, c'est l'école positiviste italienne qui constitue le véritable socle de ces mutations paradoxales. Tout l'ouvrage montre en effet combien la nébuleuse qui s'organisa à Turin autour de Cesare Lombroso, auteur célébré de l'Homme criminel en 1876, fut non seulement le «premier produit intellectuel italien d'exportation», mais aussi la formidable matrice idéologique, quasi officielle, du nouvel Etat.
Adossé à la notion d'atavisme, l'inventaire raisonné des déviances proposé par l'anthropologie criminelle permettai