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Libération
Critique

Bauchau, jadis et laguerre

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publié le 10 janvier 2008 à 1h53

Les raisons d'éprouver la plus grande affection pour le nouveau roman d'Henry Bauchau surgissent l'une après l'autre, en bon ordre. La liberté de ton est sidérante, comme si l'urgence de raconter faisait délibérément trembler les bases de l'écriture. Ils sont deux garçons, au début de la guerre, pas encore trentenaires, qui s'en vont grimper dans les rochers. Le narrateur se souvient, cela se passe quarante ans avant. Il détaille l'aridité d'une escalade. Prise ou absence de prise, rétablissement, un pied, une main, le risque de dévisser, la sueur froide, et puis le surplomb franchi. Rien de montagnard chez le narrateur, et rien de primaire, il n'est pas de ceux qui se fondent avec la nature. Mais il a un maître en la personne de Stéphane, son compagnon d'échappées belles, incarnation de la sensualité, de l'équilibre gracieux, par qui il est initié à «l'énergie du plaisir difficile». A une forme d'amour, aussi, sans «désir, ni possession».

La guerre se prolongeant sépare les amis. Les Allemands raflent des hommes pour le STO (Service du travail obligatoire), Stéphane a pris le maquis, le narrateur cache des résistants. A ce moment du livre, du plus profond des années 40, s'élève une voix de femme. Elle dit le regroupement des prisonniers, et les femmes qui les suivent, elles se virent trois mille en arrivant au port. Les femmes hurlent devant les SS, ouvrent leurs rangs et les referment sur les fuyards, mais quand d'autres hommes, des ouvriers, vont pour balance