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Libération
Critique

Mémoires torturées

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publié le 10 janvier 2008 à 1h53

A quoi ça sert de remuer toutes ces vieilles histoires, n'est-ce pas ? Ces gamins de 20 ans trompés, jetés en Kabylie, dans les Aurès, des mois passés à traquer du «fell», la peur au ventre, à devenir moitié fou, à ne plus savoir quoi dire au retour en France. Et, au sud, ce désert sans limites où les premières bombes atomiques françaises sont testées au milieu de soldats cobayes. Des horreurs, ces histoires d'Algérie. Mais, justement parce que cette guerre-là est une guerre sans fin, il faut en parler, écrire et écrire encore. Sans fin. Ça n'a jamais fini. La fin n'a jamais été dite. Qui a gagné, qui a perdu ?

Séquelles. Bertrand Leclair prend cette guerre à bras-le-corps. C'est un roman, mais c'est aussi une enquête. Un sacré parcours dans les archives à jamais classées qu'il a bien fallu exhumer parce qu'un ami déprimé, romancier lui-même, lui demandait de l'aide. Des tas d'histoires se mélangent dans ce livre haletant, des vies bien sûr mais aussi des points de vue et des mémoires. Ce serait un ouvrage sur la transmission, le passage des mémoires torturées, la transmission des séquelles aussi, le passage de témoins ; des témoignages donc, parfois crédibles, parfois manipulés. Le narrateur, Leclair lui-même ou un autre, peu importe, se plonge dans ces bouts de vie déchirés, bien obligé, pour rendre service, puis pris au jeu il va sur place dans le Sahara, près des sites de tirs nucléaires de 1960. A Paris aussi, il retrouve des rescapés de Kabylie et d'ailleurs. Il rencont