Les deuils n'ont jamais lieu. On n'oublie pas, on ne pardonne pas, on ne guérit pas. C'est comme ça qu'on vit et c'est pour ça qu'on écrit. Les écrivains écrivent donc souvent de bons livres avec leurs parents morts : directs, désemparés, d'une pénible nécessité, pleins de taupinières. Philip Roth écrivit sur son père, sa maladie et sa fin, le remarquable Patrimoine. Richard Ford publia Ma Mère, sur la sienne, Edna, morte en 1981. Et Jonathan Franzen commence la Zone d'inconfort, paru en 2006, par une visite de la maison de sa mère morte, qu'il doit vider avant de la vendre.
«Draps». Donald Antrim, romancier américain de la même génération que Franzen, 40 ans et des poussières, publie à son tour le livre de sa mère : la Vie d'après. Dès la première phrase, c'est fini : «Ma mère, Louanne Antrim, est morte par un beau samedi matin du mois d'août, en l'an 2000. Elle reposait dans des draps violets neufs.» Pour l'écrivain, tout commence. Il la suit dans sa colère contre elle, sa tendresse pour elle, à travers des souvenirs parfois incertains, toujours résistants, jamais colmatés par des artifices de narration, pour aller, si c'est possible, jusqu'à «l'étrange, triste et véritable essence des choses».
Aux deux tiers de son introspection, Antrim rend visite à sa mère hospitalisée alors que son précédent roman, le Vérificateur, va sortir. Ce roman «avait pour thème les malversations d'un psychanalyste dans une ville sans nom». L