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Libération

Danger émotion

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publié le 31 janvier 2008 à 2h08

L'histoire compassionnelle était-elle une façon pour l'époque de couvrir «son égoïsme du masque d'une souffrance partagée» ? Dans l'Empire des émotions, Christophe Prochasson, 48 ans, directeur d'études à l'EHESS (Ecole des haurtes études en sciences sociales), spécialisé dans l'histoire politique et culturelle de la France contemporaine, examine le couple instable que l'histoire forme avec la mémoire.

«Trois éléments m'ont amené à écrire ce livre. Tout d'abord, il y a eu l'invasion, illustrée par l'affaire Pétré-Grenouilleau sur la traite des Noirs, de revendications mémorielles pouvant se faire intimidantes. Or, simultanément, comme enseignant à l'EHESS, j'ai pu observer chez mes étudiants des liens très directs entre leur histoire personnelle et leurs travaux. Réfléchissant sur moi-même, je suis arrivé à la conclusion que je n'étais pas à l'abri du phénomène et que, même lorsqu'on fait une histoire traditionnelle, on ne peut s'émanciper de ses affects. Ensuite, j'ai été frappé par la réaction des historiens de profession, qui ont choisi de se mettre en position de surplomb, de donneurs de leçon, au nom d'une histoire conçue comme pure science - ce qui est à la fois arrogant et illusoire. Il est à noter que ce n'est pas là une affaire de génération, car il y a chez les jeunes chercheurs une espèce de scientisme qui les conduit à être aussi méprisants que leurs aînés. Enfin, j'ai voulu réfléchir à la situation sociale et intellectuelle de l'historien aujourd'hui, qui,