Faire de chagrin légèreté, c'est une raison d'écrire. La violence frappe, l'imagination ouvre, la délicatesse emporte : on peut enfin se sentir comme Lancelot «démuni et comblé». Pour la première fois dans un roman de Véronique Ovaldé, le cinquième, c'est le coeur d'un homme qui fuit. Il s'appelle Lancelot Rubinstein et ignore «comment ne pas finir par se sentir offensé par un monde (ou des sens) aussi inconstant(s)». Les personnages d'Ovaldé vivent avec cette offense. Ils rêvent dedans. Leur chagrin est une féerie.
Lancelot a perdu Irina, la femme qu'il aime, dès la première ligne d'Et mon coeur transparent. Le titre a posé problème : tant qu'elle écrit, elle n'en a pas, et ensuite, elle en a trop. Celui-ci vient d'un poème de Verlaine, Mon Rêve familier. Elle ne s'en est aperçue qu'après l'avoir choisi : «Car elle me comprend, et mon coeur, transparent/Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème/Pour elle seule.» C'est un bon résumé du livre. Morte, Irina a comme dans le dernier vers «l'inflexion des voix chères et qui se sont tues».
«Luciole grillée». Irina filmait des ours ailleurs et vivait ici dans la bohème. Lancelot a quitté sa femme du jour au lendemain pour elle, l'amour fou étant la seule révélation qui mérite d'être crue, même en vain.
Le chapitre 15 ne contient que ceci : «Irina serait une luciole. Une luciole grillée. Un faible bruit de cuisson et la lumière s'éteindrait. Que reste-t-il donc d'Irina dans sa