L'universel est la grande querelle présente. La montée en puissance des identités et du besoin d'appartenir à un groupe a laissé groggy la pensée occidentale. L'idée d'un horizon commun capable d'englober tous les particularismes s'est effondrée. Accusé d'avoir enfanté pêle-mêle le colonialisme, l'esclavagisme, le goulag, la destruction des Juifs d'Europe, la mondialisation, le sexisme, l'homophobie et mille autres maux, l'universel est en ruine et appelle les dilemmes propres aux ruines : il faut restaurer ou raser.
Gravats. Comme exemple de rafistolage, François Jullien rapporte les travaux d'un improbable Parlement des religions du monde qui, sous l'égide de l'Unesco, accoucha en 1993 d'une déclaration énonçant, en anglais dans le texte, des irrevocable standards et autres fondamental moral attitudes supposés capables de réconcilier l'humanité avec elle-même - les effets semblent tarder à se faire sentir. Quant à dégager les ultimes gravats, c'est le chemin emprunté par les cultural studies anglo-saxonnes : éloge des minorités, des subalternes, des sans-parts. Ce n'est pas plus satisfaisant.
La philosophie, qui a inventé le concept d'universel, est donc convoquée à la discussion. Alain Badiou l'a ouverte en plaçant son universalisme communiste dans les pas de l'apôtre Paul et son «il n'y a plus ni Juif ni Grec car vous êtes tous un en Jésus-Christ» (1). Des dents ont grincé , et Jean-Claude Milner a répondu en dénonçant «l'universel facile»