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Libération
Critique

L'année du loup

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publié le 7 février 2008 à 2h14

Le visage lisse sous d'énormes lunettes à monture d'écaille, engoncé dans trois couches de lainages, Jiang Rong sirote son thé dans un verre, s'excusant de n'avoir pas de carte de visite. Mais il ne faut pas se fier à l'apparence. L'uniforme de grand-père tranquille cache un insoupçonnable «libéral opiniâtre» et aussi l'auteur d'un immense best-seller en Chine. Impassible et mesuré, Jiang Rong ne se livre pas facilement. C'est un homme qui prend son temps. Pour écrire le Totem du loup, son oeuvre unique, il a mis vingt ans.

Le livre ne passe pas inaperçu. Pavé de plus de 400 pages à la couverture percée de deux yeux phosphorescents, il s'est déjà vendu à 2,6 millions d'exemplaires en Chine, auxquels s'ajoutent 15 millions de copies pirates parfaites. En tête des ventes pendant plus de deux ans, rivalisant avec Harry Potter, il a obtenu en novembre le premier prix Man de littérature asiatique, financé par le groupe britannique déjà sponsor du célèbre Booker Prize. Vingt-quatre pays ont acheté les droits. Penguin a déboursé 100 000 dollars (68 000 euros), somme record pour un auteur contemporain chinois, pour le sortir en mars. Random House, filiale du groupe Bertelsmann, a acquis la traduction pour l'Allemagne, et Mondadori pour l'Italie. En France, les éditions Bourin ont décroché ce qu'elles espèrent être un jackpot grâce à Jean-Jacques Augier, ancien PDG de Balland venu faire d'autres d'affaires en Chine. Entre l'ouverture de la première boucherie franç