Vers le milieu du livre, notre héros explique aux Sevos (petit peuple du Caucase) pourquoi ils sont mal barrés : «Votre cuisine n'est pas connue, votre diaspora est majoritairement en Californie du Sud, à trois fuseaux horaires des médias nationaux de New York ; vous ne bénéficiez pas d'un conflit au sujet duquel les citoyens des pays les plus riches peuvent discuter. Le mieux que vous puissiez faire est d'impliquer les Nations unies, comme au Timor-Oriental. Ils enverront peut-être des troupes. - On veut pas des Nations unies, dit M. Nanabragov. On veut pas que des soldats sri-lankais viennent patrouiller dans nos rues. On vaut mieux que ça. On veut l'Amérique.»
Il y a trois ans paraissait en France un roman intitulé Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes Russes. Ces aventures d'un jeune garçon émigré à New York, ses relations problématiques avec ses parents, sa petite amie et une bande de mafieux postcommunistes étaient déjà formidables de drôlerie et d'invention. Dans Absurdistan, l'auteur, Gary Shteyngart (né en 1972 à Leningrad), revient avec des ingrédients assez semblables, et c'est encore mieux. Son nouveau héros, Micha Vainberg, 30 ans, est un jeune homme en nette surcharge pondérale (150 kg les bons jours), juif (maladroitement) circoncis de frais, citoyen russe, ex-étudiant de l'université américaine de Hasard.
Quand nous faisons sa connaissance, il est coincé à Saint-Pétersbourg, refoulé par l'immigration américaine sous le futile prétexte