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Libération
Critique

Exquise douleur

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publié le 14 février 2008 à 2h19

La vie conjugale dans ce qu'elle a de prosaïque : le début du Garçon dans la lune expose des scènes de bain, de lit, de baise, rien de formidable. Un couple avec enfant, abonné aux malentendus exaspérants, ils s'appellent Brian et Julia. Il suffit que Julia s'active pour que Brian devienne un bloc de passivité. Que Brian ait un élan pour que Julia se glace. Elle n'est «ni irlandaise ni catholique», il vient de là-bas, de la misère, d'une ferme que son père continue d'exploiter.

Puis, le drame, le pire qu'on puisse imaginer. Mais il n'est pas le sujet du roman. Il en est la pierre d'appui. A partir de quoi la psychologie se déploie, l'auteur enrichit ses personnages de sorte que le lecteur ne peut plus les lâcher. Brian et Julia, de part et d'autre du gouffre où leur vie a sombré, creusent leur douleur, «une douleur tenace, lente et presque exquise d'une manière insupportable, comme une note de violon prolongée». Jusqu'à ce qu'ils achoppent sur l'intime révélation qui les ramènera peut-être du côté de la lumière, chacun reste dans sa tonalité : à Londres, Brian se laisse couler au fond d'un puits de dépression, cependant que Julia chausse des bottes en Irlande. Elle a choisi le seul interlocuteur qui refusera de la réconforter : son beau-père, Jeremiah. A la mort de sa femme, qu'il a tuée au travail, Jeremiah s'est retrouvé seul avec six enfants. C'est un roc, de silence et d'orgueil, «il était même capable de prier Dieu pour qu'Il se soumette».

L'au