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Libération
Critique

Les noyés d'Altenburg

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publié le 14 février 2008 à 2h19

Envoyé spécial à Berlin

L'Est est une promesse qui nous manque. Dans son quatrième livre, le troisième traduit par Alain Lance (1) et Renate Lance-Otterbein, Ingo Schulze décrit les mois de 1990 où, en se levant, elle meurt. On est en Thuringe, à Altenburg, 95 000 habitants. Là-bas, c'est l'Allemagne de l'Est et on fabrique des jeux de cartes. Si certains aiment la ville, c'est parce qu'elle «n'a pour ainsi dire aucune chance, seul un miracle peut la sauver». Le personnage principal de Vies nouvelles écrit dès ses premières lettres : «Je m'étonne que les enfants ne deviennent pas cyniques. Rien que pour cela, il faut les aimer.» On ne peut dire que lui-même devient cynique, ni qu'il ne le devient pas. «Les gens, résume l'écrivain, avaient plus de rêves que d'illusions.»

Vies nouvelles raconte comment un groupe de jeunes est-allemands fondent un journal au moment où leur peuple vit cul entre deux monnaies, entre deux mondes. Ingo Schulze faisait la même chose à la même époque. Il lui a fallu dix ans, des doutes et quelques lectures, pour que les souvenirs précipitent en roman. Mais alors, «il n'était plus question d'écrire le livre que j'aurais pu écrire en 1990, dans le genre post-dissident. Ç'aurait été déplacé».

Surmoi. Le 16 février 1990, avec quelques amis, il lance à Altenburg un hebdomadaire de douze pages, Altenburger Wochen Blatt. Il coûte 90 pfennigs. On le distribue dans la rue. Quatre fois par semaine, il faut aller en