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publié le 21 février 2008 à 2h25

Un minuscule bureau plein sud, Maison des sciences de l'homme, à Paris. Une baie vitrée qui déverse un soleil éblouissant, même l'hiver. Des affiches délavées - Venise, un festival en Belgique, un colloque au Portugal. «Je suis dans ce bureau depuis. Oh, quinze ou vingt ans. Et à la Maison des sciences de l'homme depuis sa construction, en 1975.» Le bâtiment remplace l'ancienne prison du Cherche-Midi, «là où Dreyfus fut emprisonné». Il fallut cohabiter avec les services du ministère de la Justice - «Il y avait tout le temps des alertes à la bombe» -, puis, quelques années plus tard, l'Ecole des hautes études en sciences sociales, fondée par son maître Fernand Braudel, s'est installée définitivement. Cet Américain-là, polyglotte et voyageur, est nourri de souvenirs parisiens.

Immanuel Wallerstein traque la logique du monde depuis un demi-siècle. Sociologue, africaniste de formation, il a vécu au Ghana et en Tanzanie au temps des indépendances. Son grand oeuvre, en trois volumes (1974, 1982, 1989), retrace l'histoire du «système-monde moderne», terme qu'il a forgé à partir du concept d'«économie-monde» par lequel Fernand Braudel décrivait la Méditerranée. Dans un système-monde, les Etats, les frontières, les hiérarchies nationales sont des concepts «relationnels» : c'est parce qu'en «périphérie» des Etats faibles fabriquent des biens à faible valeur ajoutée qu'au centre les entreprises des Etats forts sont en mesure de produire d