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Libération
Critique

Le choeur des ténèbres

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publié le 28 février 2008 à 2h30

Durant de longues années, l'histoire de la Shoah n'a guère intéressé les historiens et les rares pionniers qui s'y consacrèrent oeuvrèrent, à l'instar de Raul Hilberg ou de Léon Poliakov, dans une grande solitude. Les études, depuis ces temps héroïques, abondent. Mais elles présentent parfois le double travers de se focaliser sur la quête obsidionale de la date à laquelle la décision de l'extermination fut prise et de privilégier, en raison du recours aux archives allemandes, le seul point de vue des bourreaux. La somme impressionnante de Saul Friedländer échappe à ces travers - en raison, sans doute, de l'itinéraire de son auteur.

Rigueur. D'origine tchèque, la famille Friedländer s'est réfugiée en France en 1939, croyant trouver dans la patrie des droits de l'homme un sûr asile. Si le jeune Saul, alors âgé de 10 ans, fut abrité par une institution catholique, ses parents, refoulés de la frontière suisse et livrés à la police française, furent déportés à Auschwitz d'où ils ne revinrent pas. Friedländer part en Israël en 1948 où il opte pour une carrière universitaire. Il se distingue rapidement par la qualité de ses recherches, proposant, dès 1964, un remarquable Pie XII et le IIIe Reich avant de publier - pour ne citer qu'eux - Histoire et Psychanalyse (1975), Reflets du nazisme (1982), Memory, History and the Extermination of the Jews (1994).

Son livre porte la marque de ce double héritage : il allie à la rigueur du très grand historien la sensib